Revue Gouvernance (Jan 2022)

La pêche artisanale sénégalaise à l’épreuve de la cogestion : le local désormais utilisé comme échelle de planification des politiques de pêche

  • El hadj Bara Dème,
  • Patrice Brehmer,
  • Pierre Failler

DOI
https://doi.org/10.7202/1094075ar
Journal volume & issue
Vol. 19, no. 2

Abstract

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L’objectif de cet article est de présenter les potentiels et les limites de la cogestion des pêcheries artisanales au Sénégal. La méthode a consisté à mener un long travail d’investigation dans les différents conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) implantés le long de la côte sénégalaise. Les outils de la collecte soumis aux acteurs de la pêche et aux dirigeants des CLPA se sont focalisés sur 40 indicateurs inspirés de la littérature scientifique. Ces indicateurs sont répartis en trois catégories : « Institutions et gouvernance », « Systèmes naturels » et « Personnes et moyens de subsistance ». Ils couvrent toutes les dimensions de la cogestion telle que mise en oeuvre au Sénégal. L’analyse révèle que les CLPA peinent à assumer pleinement le rôle de leadership qui leur est assigné par l’État et leur base sociale. Compte tenu de leur dépendance financière vis-à-vis de l’État et des partenaires de développement, leur capacité d’influence reste faible et leur positionnement sociopolitique, limité. Cette faible affirmation à l’échelle locale est également liée à la fragilité de leur base organisationnelle, qui compromet finalement leur performance économique et écologique. Le cadre de gouvernance locale est marqué par la superposition de plusieurs entités locales (groupements d’intérêt économique [GIE] et associations) sans coordination qui évoluent dans une logique de concurrence. Malgré ces limites d’ordre principalement organisationnel et économique, la cogestion de la pêche artisanale présente des potentialités. En plus de se positionner comme un nouveau cadre local pour la gestion des pêches, les CLPA ont entamé une recomposition de l’architecture institutionnelle locale et constituent des espaces de construction d’initiatives techniques (pour la durabilité des ressources halieutiques) et socioéconomiques (pour l’amélioration des moyens d’existence des acteurs de la pêche). Globalement, la gouvernance des pêches au Sénégal est partagée entre une gestion directive qui s’effrite progressivement et une nouvelle forme, la cogestion, qui tarde à s’imposer efficacement.

Keywords