Revue Internationale des Francophonies (May 2020)

Les régimes linguistiques à l’épreuve du territoire : le cas de l’Ontario francophone

  • Anne Mévellec,
  • Linda Cardinal

DOI
https://doi.org/10.35562/rif.1058
Journal volume & issue
no. 7

Abstract

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Comment les logiques territoriales propres aux régions influencent-t-elles les comportements des acteurs locaux à l’égard des politiques linguistiques ? Les données utilisées pour répondre à cette question de recherche proviennent d’une enquête originale menée en 2016 dans les Comtés unis de Prescott et Russell en Ontario dans le secteur agrotouristique local, un domaine important de vitalité économique et culturelle pour la francophonie dans la province. Dans cette région, 65 % de la population sont de langue maternelle française alors que les francophones représentent environ 5 % de la population ontarienne. Prescott et Russell est la seule région à majorité francophone en Ontario, ce qui en fait un cas privilégié pour étudier l’institutionnalisation des politiques linguistiques sur le plan local. L’étude porte sur deux cas d’activités agrotouristiques prisées dans la région, soit le Festival de la Curd et la Foire gourmande. Elle cible les trois dimensions principales des régimes territoriaux que sont la confiance entre les acteurs, les modalités de la régulation politique ainsi que la capacité de définir des problèmes publics pour préciser comment celles-ci interagissent avec les processus d’institutionnalisation des politiques linguistiques sur le plan local. L’analyse des données existantes sur la région ainsi que celle des douze entrevues semi-dirigées réalisées avec des acteurs clés des Comtés unis de Prescott et Russell, ont révélé une situation ambiguë caractérisée par des comportements d’acteurs souvent conflictuels sur le plan administratif et un biais favorable à l’anglais dans les activités économiques. Les francophones sont fiers de promouvoir le français, une des deux langues officielles du pays avec l’anglais, mais ils ne veulent pas s’aliéner les anglophones. Ils accordent une grande valeur au bilinguisme par rapport au français, une réponse qui permet de neutraliser la possibilité de contestation de leurs activités de la part de leurs collègues anglophones. Ainsi, le comportement des acteurs révèle l’influence déterminante du régime territorial sur l’institutionnalisation des politiques linguistiques au plan local. En décentrant ainsi le regard sur les politiques linguistiques du national vers le local, l’article permet d’approfondir les rapports entre la langue et le territoire.