Revista de Filosofia (Apr 2016)
La vie et l’activité de la pensée dans la philosophie de Maine de Biran (1766-1824)
Abstract
Penseur de la naissance de la conscience (ou « aperception ») de soi à partir du déploiement de l’effort moteur du corps, Maine de Biran (1766-1824) analyse tout au long de son oeuvre la nature complexe et polémique des rapports entre pensée et affectivité. De nature réflexive car faisant retour sur les affections, sensations, impressions et sentiments procurés par la vie du corps, qui en obscurcissent le discernement, la première, détermination intérieure du moi, nous procure les idées que nous pouvons acquérir de nous-mêmes et de nos actes intellectuels, au fondement de notre personnalité. Or, l’affirmation de celle-ci, résultat de l’effort de stylisation en lequel consiste l’activité de la pensée, peut se trouver contrariée par des déterminants de nature endogène (les effets de l’habitude, le défaut de concentration, l’absence de but intellectuel, etc.) ou exogènes (en l’occurrence, les bouleversements d’ordre social et politique occasionnés par la Révolution française). Aussi, à côté de ses mémoires définissant sur le plan théorique les conditions de la constitution ou de la diminution du sentiment du moi, le journal intime de Biran répond à la nécessité de retrouver l’unité d’un moi fragmenté dans une société ayant perdu l’ensemble de ses hiérarchies et repères anciens. Selon Biran, la construction d’une mémoire du travail de la pensée, sans cesse confronté aux fluctuations du quotidien et aux aléas de la vie du corps, constitue le garant de cette unité. Cela sur la base d’une nette distinction entre les objets et intentions propres à la physiologie et à la psychologie, au coeur du projet d’élaboration d’une Science de l’Homme.