Revue Forestière Française (Aug 2019)

L’animal sauvage, (f)acteur mal-visible du paysage : agrosylvopastoralisme dans le Morvan et agroforesterie à Sumatra

  • Jean-Baptiste Bing

DOI
https://doi.org/10.4267/2042/70828
Journal volume & issue
Vol. 71, no. 4-5

Abstract

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Certes fort différents sociologiquement et écologiquement, le Morvan et les Bukit Barisan Sud (Sumatra) forment deux massifs de moyenne montagne que lie une analogue pression monoculturale sur les forêts locales, appauvrissant la complexité paysagère autant que la biodiversité. Or si les relations des occupants des lieux (habitants, mais aussi professionnels : paysans, forestiers... – ou occasionnels : chasseurs urbains, touristes...) avec la faune sauvage sont dépendantes de cette rupture de rythme et d’équilibre, elles peuvent aussi contribuer à y réagir. Parmi les très nombreux types de sylvosystèmes présents sur ces deux territoires et les milliers d’espèces « sauvages », nous mettrons la focale sur deux « moments » exemplaires : les incursions de la petite et moyenne faune dans les exploitations agrosylvopastorales (bocage morvandiau dans les communes d’Anost et Château-Chinon, largement enserrées dans les forêts, et agroforêts du plateau de Liwa et des piémonts de la cordillère sumatranaise) ; la rencontre avec cette figure du sauvage qu’est le sanglier (Sus scrofa dans le Morvan et Sus barbatus à Sumatra), qui met en jeu les notions de pureté et d’impureté. À travers l’étude de ces deux « moments », nous verrons comment la question foncière et la « dénaturation du sauvage » se révèlent comme symptômes d’une crise de la gouvernance des forêts et des sylvosystèmes locaux. Fruit de plusieurs années passées sur les deux terrains, cette contribution se situe à la croisée des courants humaniste en géographie et mésologique. Elle interrogera ainsi les représentations du paysage et de ses évolutions, notamment en termes de présence de la faune, qui orientent le devenir de ces espaces en influant sur les actions à mener. Pour cela, nous croiserons plusieurs médias, recueillis lors de moments partagés avec habitantes et habitants : langues locales et nationales, vocabulaire spécifique à certaines catégories de population, récits, parcours commentés, interprétations paysagères – autant de portes qui ouvrent la diversité des milieux vécus, en dépit d’une unicité de l’écosystème commun auquel tous font face.