Voix Plurielles (Dec 2021)
L' aporie de l’impossible communauté : Bataille, Barthes et Foucault
Abstract
Bataille, Barthes et Foucault ont envisagé à un moment de leur vie de se soustraire à la communauté politique. Selon eux, la communauté politique — sous la forme élargie (nation, patrie, État, etc.) ou universelle (le genre humain) — ne permet pas la vie différenciée, tant dans ses rythmes que dans ses formes. Tous ont voulu se mettre à distance de la société en cherchant à s’arrimer à de nouvelles communautés, restreintes et électives. Ils ne conçoivent donc pas le retrait comme une voie solitaire. Barthes a fantasmé des communautés idiorrythmiques ; Foucault a réfléchi aux potentielles nouvelles façons de vivre dont les communautés homosexuelles pourraient être porteuses et Bataille s’est essayé à diverses tentatives de communautés secrètes, d’Acéphale au Collège de sociologie. Pourtant, toutes ces tentatives communautaires se sont révélées décevantes, dès lors qu’elles n’étaient plus simple fantasme ou utopie. Nous voudrions montrer que dès l’instant où il y a « calcification » d’une forme commune, il s’ensuit une atteinte au rythme individuel et à l’irréductible singularité que poursuit l’écrivain. Soit la communauté est rattrapée par la norme, ou appelée à se généraliser, et alors elle ne permet plus la vie différenciée. Soit elle est réinvestie par des relations de pouvoirs, et la figure d’un chef finit fatalement par émerger. Soit elle se dissout en l’absence d’une œuvre à produire ou d’une cause commune à laquelle s’arrimer. C’est ce que nous appellerons l’aporie de l’impossible communauté.