Iris (Jan 2021)
(Le) Phénix de Pierre Jean Jouve ou la représentation accomplie
Abstract
En 1928, à la suite d’une « conversion » qui le tourne vers des « valeurs spirituelles de poésie », le poète Pierre Jean Jouve (1887-1976) renie tous ses ouvrages antérieurs à 1925 et proclame le début d’une « vita nuova ». Désormais, son œuvre ne cessera de représenter cette « scène originaire » de mort et de résurrection, mise sous le signe d’une « imitation du Christ ». Parmi ces représentations, le phénix occupe une place plutôt discrète mais significative. L’article examine les différentes occurrences du symbole du phénix dans l’œuvre de traduction, de roman et de poésie de l’auteur, et y reconnaît une figure de la représentation, en tant que celle-ci exige la mort de l’objet (réel) tout en lui donnant une nouvelle vie. Le phénix jouvien apparaît comme une figure de l’« accomplissement » de cette représentation, aux multiples sens du mot. Il la montre en train de s’accomplir, via le sacrifice du corps « visible » comme présidant à un amour éternellement « audible » dans les mots. Il la représente sous une forme « accomplie » dans la prostituée qui, objet d’un meurtre sacrificiel, prend la figure d’un gouffre, lieu où toute représentation s’abîme, mais où toute représentation trouve aussi son origine et sa condition de possibilité. Il permet enfin d’en entrevoir le terme : l’oiseau, qui représente l’essence amoureuse et sacrificielle de la poésie, est d’autant plus « près » d’incarner cette essence qu’il renonce à se montrer ; il s’effacera derrière la représentation du lieu (une « forêt sacrée ») où son mystère s’est manifesté.