Studii si Cercetari Filologice: Seria Limbi Romanice (May 2014)
POÉSIE NATIONALE ET CARTOGRAPHIE IMAGINAIRE AU QUÉBEC
Abstract
Au Québec, dans la seconde moitié du 19e siècle, alors que s’impose la nécessité d’une littérature nationale témoignant devant l’humanité entière (surtout la France) de l’enracinement, contre toute attente, d’un peuple distinct sur les bords du fleuve SaintLaurent, plusieurs poètes ont tenté de réaliser une cartographie imaginaire qui répondait de la double nécessité d’une reconnaissance du territoire et de la mise en valeur d’un particularisme national. Cet article examine les difficultés posées par un tel projet, largement inspiré par la visite de Chateaubriand au Québec au début du siècle, en particulier celle qui consiste à vouloir décrire un territoire tout en le glorifiant. Selon plusieurs critiques de l’époque, un territoire aussi vaste et colossal exigeait pour être dit l’intervention d’un chantre épique, d’un ténor du lieu dans lequel, de leur côté, la majorité des poètes de l’époque ne se reconnaissaient guère, plus enclins à la description picturale, préférant aux grands espaces, typiquement nationaux, des lieux d’introspection et de contemplation comme le bord des lacs. Ce décalage est au fond celui de la carte et du territoire, d’une représentation imaginaire si prégnante qu’elle refuse l’accès à la réalité concrète.