Rigorisme et indicateurs de la radicalisation : une analyse du développement d’un Islam militant dans le bassin sud du Lac Tchad

Abstract

Résumé : Le Bassin Sud Lac Tchad est en proie à des crises sociopolitiques et religieuses récurrentes. Depuis un moment, pratiquement à chaque décennie, la communauté musulmane doit faire face à une violence religieuse perpétrée par un ou plusieurs groupes islamiques radicaux. Partie du Northern Nigeria, cette violence a progressivement gagné les pays de la Région. Cet espace a connu tour à tour les mouvements Maitatsine, Yan Izala, Yan Shi’a et Boko Haram depuis plus de deux décennies aujourd’hui. Seulement, la plupart des réflexions menées pour comprendre le phénomène ont tourné autour du contexte généralement sociopolitique et économique. Le présent article est allé au-delà de cette explication contextuelle qui en fait ne permet pas de mieux maitriser les fondements réels de la violence islamique dans le bassin Sud du Lac Tchad. La collecte et l’analyse des données assez vastes et diversifiées ont permis de comprendre qu’en réalité, la violence islamiste actuelle dans cette partie du continent a des racines très profondes qui remontent même à la période précoloniale. Depuis, on a assisté à une forme de sédimentation de la radicalisation qui s’illustre par des indicateurs pertinents précis. Le rigorisme a été construit et nourri par des acteurs identifiés et connus. Ceux-ci ont tenu des discours qui eux-aussi se sont radicalisés graduellement. Le rôle de ces acteurs a été particulièrement important dans ce processus de radicalisation et dans son animation. Ces « maitres spirituels» ont été à la base du développement de ce qui est convenu d’appeler les « Islams de tendance » dont les adeptes se sont toujours opposés sur des questions à priori simples et ordinaires. Finalement, sans négliger les causes sociopolitiques et économiques, nous soutenons que tant que les solutions du problème ne prendront pas en compte les profondeurs historiques de ses fondements, il s’avère difficile de l’éradiquer totalement. Mots-clés : Indicateurs, radicalisation, Maitatsine, Yan Izala, Boko Haram