Revue LISA (Oct 2004)

Rewriting, Literariness, Literary History

  • Didier Coste

DOI
https://doi.org/10.4000/lisa.2893
Journal volume & issue
Vol. 2
pp. 8 – 25

Abstract

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La réécriture est aussi ancienne que le système littéraire lui-même, elle a permis de cristalliser ce qui a fini par recevoir le nom de littérature au milieu du XVIIIe siècle, car elle était essentielle à la construction d’une tradition créatrice (en tant que mimesis de grandes actions artistiques) et d’une épistémologie critique partagée. S’il peut sembler paradoxal que la « littérature » émerge précisément au moment où l’esthétique romantique de l’originalité prétend remplacer l’esthétique classique de l’imitation, ce paradoxe doit toutefois être exploré en fonction de la tentative d’autonomiser l’esthétique, du statut social à la fois radieux et précaire du discours littéraire, et de la croissante division du travail de production de savoir et de valeur discursive.Il faudrait alors envisager le « long romantisme » (jusqu’aux avant-gardes au moins) sous l’angle du déni de réécriture. Mais le contexte post-moderne et post-colonial dans lequel nous sommes censés opérer a certes attiré notre attention sur l’omniprésence des phénomènes de réécriture et sur les enjeux de cette notion : au cours des trois dernières décennies environ, la réécriture systématique est devenue un outil multifonctionnel et une arme à double tranchant qui manifeste la mondialisation culturelle et y résiste à la fois. Dans un seul geste, elle couple l’ironie et la légitimation par le lignage ; elle révèle enfin la nature « bâtarde » de la littérature, son « roman familial » idéalisé.