Actes Sémiotiques (Jan 2024)
La générativité est-elle soluble dans le sensible ?. Réflexions topologiques et énonciatives « au cœur » du parcours génératif
Abstract
Chaque période de la sémiotique, à travers l’un et l’autre de ses courants majeurs, a connu son modèle spatial emblématique, véritable signature épistémique de la mise en forme théorique : carré, hexagone, cercle, strates feuilletées, ellipse, aile de papillon, courbes entre abscisse et ordonnée, spirales, bulles, sphères, etc. On s’intéresse ici à l’une des représentations les plus largement répandues : celle des niveaux entre surface et profondeur. Si la linguistique générative et la sémiotique greimassienne à sa suite, mais dans une autre perspective, ont popularisé le schéma des structures profondes opposables aux structures de surface, elles n’ont fait que prolonger un dispositif spatial qui était transversal à bien d’autres disciplines : sens immanent et sens transcendant ; sens explicite et sens caché ; contenu manifeste et contenu latent ; saillance et prégnance. En recherchant les raisons d’un motif formel aussi récurrent, notre exploration de cette modélisation spatiale interroge l’hypothèse localiste, qui postule la spatialisation comme une isotopie sémantique première et modélisante, se présentant comme un signifiant disponible pour la formation des contenus non spatiaux. Le « catachrésisme » spatial régirait la formation du langage. On revient alors sur le parcours génératif de la signification pour tenter de comprendre les raisons de son succès pédagogique et de son relatif insuccès scientifique. Les procédures de conversion qui assurent le passage d’un niveau à l’autre transforment le statisme des niveaux en dynamisme des échanges. Les strates opèrent comme des filtres à mailles progressives : les très grosses mailles des structures profondes s’affinant peu à peu pour ne plus laisser passer, en surface que les sèmes à mailles fines. Une nouvelle figure spatiale refait alors son apparition, la densité sémique, et la syntagmatique du parcours l’emporte sur la paradigmatique des niveaux. C’est donc pour finir ce mot « parcours » qui nous arrête, avec la mouvance indéterminée et sans bord qui lui est inhérente. Cela implique une instance mobile qui prend en charge ce parcours, un randonneur énonciatif du faire scientifique. On place alors l’énonciation comme centre opérateur du parcours, muni de ses composantes liées : sensible, par l’ancrage somatique de toute énonciation possible (cf. la phusis), et cognitive, par une projection des formants dont la générativité peut donner l’image. Soumis au primat de la perspective, ce sont les différents régimes sémiotiques de sélection des formes d’expression et des formes de contenu qui modélisent, in fine, le, ou plutôt les, parcours.
Keywords