Cygne Noir (Jan 2024)

Sémiotique de la forme dialogique de la pensée : dialogues et interlocution comme objets d’enquête dans l’anthropologie linguistique française au xxie siècle

  • Bertrand Masquelier

DOI
https://doi.org/10.7202/1112620ar
Journal volume & issue
no. 12

Abstract

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Au tournant des années 2000, en France, les recherches sur l’interlocution et les rituels des pratiques dialogiques ont contribué à renouveler les approches francophones en anthropologie linguistique, dans un contexte où les travaux nord-américains les plus récents devenaient l’objet d’une attention grandissante auprès d’une poignée d’anthropologues et de sociolinguistes français. Un dialogue, parfois silencieux et parfois bien réel, lors de séminaires, s’est engagé. Les points communs entre les deux lieux de la recherche ne manquent pas. L’attention aux fonctions des formes de l’indexicalité inhérente aux processus de configuration des relations sociolangagières en est un. Comme l’est l’attention portée à la parole en acte et aux figures de ses formes sémiotiques. L’influence de la sémiotique dialogique de Mikhaïl Bakhtine leur est également commune. Les écrits du cercle de Bakhtine thématisent l’attention au dialogue, étudié pour ses formes poétiques, sociologiques-interactionnelles, encastrées dans leurs cadres métalinguistiques. Ils présentent l’imbrication de la pensée dialogique et de l’action comme un principe anthropologique. Celui-ci va tellement de soi, dans les recherches françaises, qu’il en devient implicite, au point de ne focaliser aucune attention particulière comme objet d’analyse. La sémiotique phanéroscopique de Charles S. Peirce reste bien moins influente dans les approches françaises. Toutefois, penser l’interlocution comme forme sémiotique d’activité sociolangagière aura permis aux anthropologues français, lecteurs de Peirce, de découvrir ou de redécouvrir non seulement l’insistance avec laquelle Peirce rappelle le caractère formellement dialogique de toute sémiose, et de l’activité de la pensée, mais combien est nécessaire, dans la perspective d’une sémiotique pragmatiste, la fonction médiatrice des interlocutions humaines dans l’enquête pour la connaissance, la résolution des incertitudes ou des disputes épistémologiques.