Francosphères (Jun 2024)
Les profonds contre les paysages: Des terres et des hommes au cœur de l’exploitation aurifère (Mali et Guyane)
Abstract
Cet article propose de repenser la notion de paysage à partir des récits contemporains qui témoignent de l’exploitation de la mine de Sadiola au sud du Mali et de l’industrialisation de l’orpaillage guyanais. Tandis que le paysage suppose la projection d’un regard vers le lointain, l’extractivisme aurifère oblige à se confronter à la matérialité du minerai et à plonger dans les profonds – selon le mot d’Édouard Glissant. À l’instar du paysage, la profondeur induit une perspective et une vision, qui invite à projeter son regard dans les lointains. À l’inverse, les profonds supposent une autre réalité souterraine qui permet de ressentir la vie terrestre dans la terre et donc en dessous de ce que l’on voit sur terre. C’est ce que Glissant appelle aussi la « concrétude de la profondeur ». Il s’agit donc avec les textes d’entrer dans les profonds, cette concrétude énergique qui, il me semble, manque singulièrement au paysage. D’une part, les récits-témoignages guyanais et maliens s’appuient sur une poétique de la concrétude qui associe la matérialité de l’or et le corps des travailleurs pour souligner que les questions écologiques ne sauraient être séparées des questions sociales. D’autre part, la thématique du gigantisme qui se déploie dans les textes, témoignant de la monstruosité du système extractivisme qui se joue à l’échelle mondiale, dépassant la notion de « paysage ». Enfin, les voix des différents acteurs relayées dans les textes s’ancrent profondément dans les lieux spoliés pour mettre en question les conséquences humaines et écologiques de l’exploitation aurifère des sous-sols.
Keywords