Ziglôbitha (Oct 2023)
Rouge impératrice et Blonde roots : une lecture uchronique et dystopique des relations post-coloniales
Abstract
Résumé : Ces dernières années, nous avons assisté à l’éclosion de récits cherchant à relire le passé colonial et les relations Afrique/Europe. Un des procédés que nous avons pû constater serait l’utilisation de l’uchronie, comme dans le roman Blonde roots (2008), de l’auteure Anglo-nigériane Bernardine Evaristo, qui s’emploie à imaginer comment se serait déroulée la colonisation et le commerce triangulaire si les colonisés avaient été les Européens, et si les colons et trafiquants d’esclaves avaient été les Africains. On peut aussi évoquer l’utopie afro-futuriste de l’auteure Camerounaise Léonora Miano, avec son roman Rouge impératrice (2019), qui se projette dans une Afrique post-occidentale, post-coloniale et unifiée. Dans cette hypothétique « Katiopa » du futur, les anciens colons, à la recherche d’un passé mythique glorieux totalement révolu, peinent à s’insérer dans la société de l’Empire panafricain dans lequel ils évoluent. Dans une perspective comparatiste, nous chercherons à analyser ces deux romans, à la lumière d’œuvres théoriques telles que Afropea : utopie post-occidentale et post-raciste (Miano, 2020), et Sortir de la grande nuit : essai sur l’Afrique décolonisée (Mbembe, 2010). Dans un premier temps, nous accorderons une importance fondamentale à l’analyse des procédés de minorisation d’une culture, contribuant à créer un sentiment d’ « identité négative » (Mucchieli, 1986) par le peuple dont l’histoire et la culture auraient été dénigrées voire mises sous silence. Le roman Blonde roots souligne tout particulièrement les procédés de violence culturelle, symbolique et physique de minorisation employés dans n’importe quelle entreprise coloniale. Ensuite, nous nous intéresserons à la portée littéraire et politique de la présence de tels récits sur la scène littéraire contemporaine, ce qui ouvre la voie à un décentrement de la perspective traditionnelle, contribuant ainsi à la création de nouveaux imaginaires collectifs. Nous tenterons de comprendre comment le changement de perspective opéré par ces deux récits permet d’inverser des processus culturels et identitaires amplement intériorisés par un imaginaire collectif en voie de décolonisation. Mots-clés : Blonde roots, Rouge impératrice, décolonisation, uchronie, utopie.